Tristan Corbière, ou l'art sans art de se soustraire - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2019

Tristan Corbière, ou l'art sans art de se soustraire

Résumé

Tristan Corbière, ou l'art sans art de se soustraire « Je suis là, mais absent 1 » : dans Les Amours jaunes, la poésie de Tristan Corbière s'écrit à voix sourde, en langue de sourd ; écrite pour personne, par quelqu'un qui dit n'être personne. Les mécanismes de la communication sont grippés. Comme on lit dans « Le crapaud », en écho au prélude en ça bémol du recueil, « Ça se tait 2 ». Cette poétique témoigne en effet d'un mélange étrange de présence et de soustraction, le poète en question « se retrouvant partout perdu 3 » ; il est partout donc nulle part, lui qui s'efface alors même qu'il semble s'afficher. Encore ce sujet est-il une fiction détachée de l'autobiographie, qui refuse d'adhérer aux anecdotes du vécu et brouille les pistes afin de se rendre définitivement méconnaissable. Qui est-il, celui-là qui dit « je » ? C'est un personnage en creux, un « il » anonyme et indéfini qui prend ponctuellement la parole en s'énonçant comme un « je », mais pour enrayer et renier d'une façon plus radicale encore les mécanismes et les repères de son identité. « Je suis un étranger 4 » affirme l'épistolier dans « Le poète contumace », en bon héritier de l'étranger baudelairien, doué pour la volatilité seule, dans la rupture de tout lien. « Il était invisible 5 » précise le même texte, comme si ce poète dont il est question parvenait à disparaître de l'espace socialà faire, de son vivant, comme s'il n'existait pas. De quel lieu parle-t-il ? Quel est ce fantôme qui, hantant le texte, vient témoigner de sa propre extinction ? Ces « vies » imaginaires qui traversent Les Amours jaunes esquissent un portrait de poète, en même temps qu'elles prennent soin d'en oblitérer les traits : rien de personnel, quand il s'agit plutôt de repasser sur les contours d'un mythe quasi-impossible à incarner, pour devenir l'espace d'un recueil cet autre-que-soi qui s'appelle, précisément, « le poète ». Au « savoir-vivre extrême 6 » fait donc pendant un « savoir-mourir » qui renverse les codes les mieux établis de la participation au monde et du culte lyrique de l'ego. C'est ce que dit aussi ce titre, « Le poète contumace » : le voici condamné à mort en son absence ; on l'entend encore, mais la sentence ne l'atteindra pas. Encore est-il « poète muselé 7 », « muet de hurler 8 », tant le silence menace le dispositif organique du corps, et tout autant l'instrument métaphorique, désormais désaccordé, de la poésie lyrique. Rayée du nombre et de la carte, à l'écart d'un corps désaffecté et désencombrée du souci d'être « quelqu'un 9 », que devient cette voix qui perce ? 1
Fichier principal
Vignette du fichier
Corbière ou l'art sans art de se soustraire.pdf (348.63 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03957714 , version 1 (26-01-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03957714 , version 1

Citer

Aurélie Foglia Loiseleur. Tristan Corbière, ou l'art sans art de se soustraire. colloque d'agrégation Tristan Corbière, universités Paris 3-Paris 4, Nov 2019, PARIS, France. ⟨hal-03957714⟩
9 Consultations
91 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More