Tristan Corbière, enterrement de vie de poète - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2019

Tristan Corbière, enterrement de vie de poète

Résumé

Tristan Corbière, enterrement de vie de poète La poésie romantique est faite par quelqu'un ; elle est le fait de quelqu'un, et elle le dit. Elle en est l'attestation indéfiniment réitérée, et finit par s'identifier à l'expressivité même d'un sujet. Comme l'écrit Guido Mazzoni dans son essai Sur la poésie moderne, en s'affranchissant des conventions antérieures qui cantonnaient la poésie à l'artifice, « l'époque romantique verrait donc naître un genre littéraire de « l'individualisme sans réserve », composé d'oeuvres qui donnent voix au « je » de leur auteur 1 ». Quel que soit l'objet du poème, la poésie ne dit plus autre chose : elle répète qu'il n'y a poème que parce que quelqu'un s'y rend présent, et sait revivre dans l'élément verbal en le vocalisant. Le pacte lyrique programmé par le premier romantisme 2 semble bien sceller un authentique pacte autobiographique, tout poème apportant, quelle que soit la matière qu'il thématise, une sorte de preuve existentielle. Poésie veut dire : signe de vie. « La poésie est : vivre » écrit Corbière dans « Un jeune qui s'en va 3 ». Cette définition résumée à un verbe à l'infinitif, comme un nouveau mode d'emploi ontologique du vers, reprend le mantra poétique de son siècle, ce métier de vivre qu'est devenue la poésie. Mais chez Corbière, le cri du coeur de la sincérité n'est pas exclusif de sa mise à distance grinçante par l'ironie : ces deux aspects contradictoires doivent s'entendre simultanément. De plus, le contexte est celui, macabre, d'une hécatombe de poètes, ce qui ne manque pas d'affecter cette vraie vie de la poésie d'un coefficient de précarité et de dérision. La poésie elle-même sait désormais qu'elle est mortelle. En effet, nous sommes en 1873, et dans Les Amours jaunes, Corbière rejoue la donne de façon beaucoup plus ambivalente, dénonçant les leurres et démontant les mensonges de la grande mécanique égologique du lyrisme personnel. Par ses choix énonciatifs, il déplace la poésie dans la dimension herméneutique de l'indécidable, qui garantit l'épaisseur polysémique du poème sans la dissiper. Déjà, l'indéfini affiché par le titre, « Un jeune qui s'en va », masque l'identité qu'il désigne et met à distance ce « jeune » dont on ne sait qu'une chose, c'est qu'il subit l'injustice la plus criante, puisqu'elle est contrenature : n'avoir pas encore vécu, pas assez, et déjà devoir quitter la vie, se quitter soi-même, en même temps que s'en vont les générations de ses grands aînés célèbres. Ce congédiement le fait verser dans une impersonnalité anthume, alors même qu'il s'expérimente dans l'adhésion viscérale à soi.
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Citer

Aurélie Foglia Loiseleur. Tristan Corbière, enterrement de vie de poète. Journée d'études Tristan Corbière, Benoît Houzé, Benoît Dufau, Jun 2018, PARIS 4, France. ⟨hal-03957686⟩
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