Is O. Ducrot’s « negation law » fallacious? - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2021

Is O. Ducrot’s « negation law » fallacious?

La "loi de négation" d'O. Ducrot est-elle un sophisme ?

Michel Dufour

Résumé

La « loi de négation » d’O. Ducrot est-elle fallacieuse ? Qu’en est-il de la « loi de négation » présentée par O. Ducrot dans le cadre de son projet théorique de « rhétorique intégrée » et d’« argumentation dans la langue » ? La question posée vaut pour elle-même, mais aussi, comme nous le montrerons, pour son intérêt méthodologique dans le projet de Ducrot. De façon un peu plus anecdotique, elle vaut aussi par sa dimension que l’on pourrait dire interculturelle. En effet, malgré son intérêt et sa notoriété, l’œuvre d’O. Ducrot rencontre à ce jour, à notre connaissance, assez peu d’écho parmi les théoriciens de l’argumentation d’expression anglaise, souvent inspirés par une tradition, disons « logicophile », confortée par le courant de la philosophie dite analytique. A l’inverse, la tradition philosophique et linguistique française et peut-être plus largement d’expression francophone est, selon nous, plutôt « logicophobe ». Ainsi quasiment rien de significatif n’a été publié en France depuis deux bons siècles sur ce sujet un peu marginal que sont les sophismes et bien des auteurs en langue française paraissent mal informés sur ce sujet quand ils n’affichent pas une certaine condescendance pour la logique et ce chapitre un peu annexe des sophismes, des « fallacies » en langue anglaise, avec leur usage et leur étude. Or, les "fallacies" constituent non seulement un sujet d’étude pluriséculaire dans la philosophie de langue anglaise, dès avant la vague analytique, mais c’est aussi un concept banal et populaire, largement usité (généralement comme accusation). On aurait cependant grand tort de soupçonner Ducrot de ne pas pointer le caractère fallacieux de sa loi par ignorance de la littérature analytique anglophone alors qu'il a lui-même contribué à sa diffusion en France par ses traductions éclairées. Le problème est ailleurs. Deux questions directrices se posent alors à propos de cette « loi de négation ». D’abord est-elle fallacieuse, et si oui en quoi? Ensuite, qu’elle le soit ou non, qu’est-ce qui amène Ducrot à en faire une loi ? Cette seconde question, comme nous le montrerons n’est qu’en partie indépendante de la première. Pour tenter de répondre à ces questions, l’article procède par étapes. Une première étape présente sa base empirique, pour ainsi dire. Nous revenons sur l’expression même du projet de Ducrot d’une rhétorique intégrée (dans la langue), en particulier, mais non exclusivement, tel qu’il l’exprime dans Les échelles argumentatives (1980). Ceci l’amène à l’idée majeure d’un « structuralisme du discours idéal » faisant place à des lois. Dans une seconde phase, l’examen porte sur le lieu théorique et la façon dont est exprimée cette « loi de négation ». Bien entendu, lorsque nous prétendons qu’elle exprime le sophisme classique consistant à « Nier l’antécédent », selon l’expression consacrée qui est à l’origine de son nom, il ne faut pas s’attendre à une formulation en tout point conforme aux canons de cette logique dont Ducrot rejette l’usage systématique dans ce genre d’étude. Il n’empêche qu’on y reconnaît la manœuvre amenant à confondre, à rendre équivalentes, condition nécessaire et condition suffisante. Une troisième étape porte sur la réponse de Ducrot à notre seconde question directrice, à savoir comment il établit le caractère légal de l’énoncé concerné. Ici, la perspective « structuraliste » et « idéale » visée par Ducrot semble s’estomper. Sa loi de négation ne résulte pas, en effet, d’un raisonnement interne à sa théorie, elle n’est pas déduite des propriétés d’une « structure » linguistique, de principes de la langue ou, éventuellement, d’une autre loi la régissant. Plus modestement, elle bénéficie seulement du soutien de ce que Ducrot qualifie de « régularité empirique ». Une question épistémologique classique est alors de savoir si le constat d’une régularité empirique avérée suffit, dans ce cas comme dans d’autres, à justifier le statut de loi. A vrai dire, Ducrot fournit un autre appui à sa thèse : l’autorité d’Aristote. Or Aristote, comme nous le montrerons, ne s’aventure pas aussi loin, y compris dans le passage des Topiques auquel est fait référence. Selon nous, le soutien que Ducrot peut attendre d’Aristote se limite au constat qu’il arrive que le scénario décrit par la « loi de négation » se produise. Ce que personne ne conteste. Y compris quand on reconnaît dans cette loi un sophisme banal, une extrapolation courante, mais abusive. Aristote, en tout cas, n’y voit pas de loi, mais ne recense pas non plus « Nier l’antécédent » parmi ses paralogismes. Dans les Topiques, il dénonce même comme irrégulière la loi de négation même s’il arrive qu’elle soit occasionnellement confirmée. En somme, la thèse de Ducrot ne peut guère s’appuyer sur Aristote. Enfin, une quatrième étape revient sur le thème de la régularité empirique après une synthèse des scénarios où se mêlent conséquence et négation. Nous présenterons pour cela l’ensemble des divers cas de figure possibles, aussi bien ceux où le contenu de l’énoncé de loi est vrai que ceux où il est faux. Car dire que la loi de négation est fallacieuse ne revient pas à dire que ce qu’elle énonce est toujours faux. En conclusion, Ducrot semble redécouvrir un travers de raisonnement banal, recensé depuis des millénaires. Certes, il n’en prend pas la défense, mais, en un sens, se contente d’en prendre acte non sans quelques bonnes raisons. Mais il exagère en prétendant y voir une loi. En bref, on pourrait amicalement le soupçonner de céder au charme du sophisme aristotélicien de « Secundum quid », parfois interprété comme « généralisation hâtive », en accordant le statut de loi dans son système « idéal » à un constat empirique assez fréquent, mais intermittent.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03941893 , version 1 (16-01-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03941893 , version 1

Citer

Michel Dufour. Is O. Ducrot’s « negation law » fallacious?. Conference Argage 2021, CoRReA (Collectif Romand de Recherche en Argumentation - Universities of Fribourg, Lausanne and Neuchâtel) & Università della Svizzera Italiana (IALS), Nov 2021, Neuchâtel (CH), Switzerland. ⟨hal-03941893⟩

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