Jacques Le Brun, Dieu un pur rien. Angelus Silesius : poésie, métaphysique et mystique - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Revue de l'histoire des religions Année : 2021

Jacques Le Brun, Dieu un pur rien. Angelus Silesius : poésie, métaphysique et mystique

Résumé

Derrière ce titre épuré se cache une lecture rigoureuse des enjeux mystiques et métaphysiques des distiques et quatrains qui composent Le Pèlerin chérubinique que Johannes Scheffler publie une première fois à Vienne en 1657 sous le nom d'Angelus Silesius. Jacques Le Brun nous donne ici une interprétation du recueil en travaillant le rapport entre une culture spirituelle très dense et une écriture poétique d'une brièveté intense, rapport que saisit l'énoncé, qui donne ici le titre du livre, Dieu est un pur rien, qui cite le distique I, 25, pour poser « la difficile question du rien, point crucial de la théologie négative et sans doute de toute mystique » (p. 39). Très grand connaisseur du poète, Jacques Le Brun (qui rend ici hommage à Jean Orcibal qui le lui a fait connaître en 1953) l'est aussi de la langue et de la mystique « baroque » allemandes, au sens où Walter Benjamin employait ce terme pour désigner au coeur du drame silésien du XVIIe siècle, le Trauerspiel, une incurable mélancolie et une perte irréparable. Car Johannes Scheffler, comme l'indique le prologue de l'ouvrage est « un Silésien en des temps tragiques ». Les strophes courtes où dominent antithèses et paradoxes découpent les formes d'une mystique et d'une métaphysique d'une intense fulgurance au moment où la région jusque là relativement tolérante aux spiritualités et confessions rivales, s'enfonce dans les dévastations de la Guerre de Trente ans. Johannes Scheffler, jeune luthérien, formé à Strasbourg, à Leyde, puis à Padoue (où il devient médecin en 1648), ami de Frankenberg et disciple de Jacob Boehme, lit Weigel, annote les mystiques rhénoflamands et ceux du XVIe siècle, dont il se fait le « récapitulateur » (p.13) du vocabulaire de la mystique essentielle. Converti au catholicisme vers 1653 et emporté dans la virulence de la Contre-Réforme triomphante, Scheffler ne renie pourtant pas ses tendances mystiques ni ne renonce à l'« audace »-terme très présent sous la plume de Jacques Le Brun-, d'une métaphysique peu recevable alors dans les confessions hostiles. « En effet l'oeuvre d'Angelus Silesius, écrit Jacques Le Brun, est en parfaite harmonie avec l'évolution profonde et souvent tragique de l'histoire de la Silésie » (p. 9). Né luthérien à Breslau (aujourd'hui Wrocław en Pologne) en 1624, revenu à un catholicisme de combat, Johannes Scheffler ordonné prêtre en 1661, ne reniera cependant rien de la hardiesse de son Cherubinischer Wandersmann auquel il ajoutera en 1675 un sixième livre, ni ne renoncera au dessein qui était le sien en prenant le nom d'ange pour contempler et se faire le « messager » (p. 8) ou « l'annonciateur » (id.) d'une mystique essentielle qui « pousse jusqu'à l'extrême la positivité contenue dans le rien » : Dieu, comme le montre dans des pages décisives Jacques Le Brun est une chose (ein Ding) qui est un rien, voire un super-rien (ein übernichts) (p. 41). Conscient des risques d'une lecture qui confondrait un Dieu qui ne serait rien avec un Dieu qui ne serait pas (p. 42), Scheffler multiplie les atténuations et explications, dont l'expression adressée au lecteur « comprends-moi bien » (p. 162) est la formulation la plus explicite. En saisissant la force et la difficulté d'un vocabulaire souvent difficilement traduisible (comme ce verbe Entbilden pour « désimager », p. 92) ou qui nécessite un détour par les traditions bibliques, dionysiennes et rhéno-flamandes, Jacques Le Brun suit le travail de la poésie qui permet de penser (c'est-à-dire d'écrire, de produire) le dépassement, l'excès métaphysique, hors du cadre de la théologie, par une action poétique sur le langage, ce qu'une note vient adoucir ici et là sans résorber le paradoxe qui « pourrait heurter
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hal-03923255 , version 1 (04-01-2023)

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Citer

Sophie Houdard. Jacques Le Brun, Dieu un pur rien. Angelus Silesius : poésie, métaphysique et mystique. Revue de l'histoire des religions, 2021, 238, pp.160-162. ⟨10.4000/rhr.11099⟩. ⟨hal-03923255⟩
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