"«Une agora passionnée: SolangeTeParle. Ils parlent à Solange, de la vidéo youtube aux commentaires. » Intervention lors du 2ème Colloque international de l’UFR Arts & Médias / Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 consacré aux "Expériences intimes du politique" (12 et 13 décembre 2016)
Résumé
Corps menu, cheveux chiffons, textes entre l'essai, la diatribe ou le poème : dans ses vidéos, l'artiste youtubeuse, comme on dirait artiste performeuse, SolangeTeParle parle son mal de vivre. Si les vidéos de Solange peuvent d'abord sembler essentiellement tournées sur elle-même, il s'agira ici de déconstruire cet a priori narcissique, afin de voir ce qui, dans le dispositif même de la vidéo Youtube, élabore d'emblée une écoute politique des mots de l'intime et du moi.
Dans Tranches de haine (sous-titrée « Retour à l'envoyeur »), la horde de commentaires insultants, sexistes, haineux, l'incitant au suicide, la moquant sur son physique, devient une comptine cruelle et savoureuse, que l'artiste adresse à son chien. Accolé aux autres, le mot insultant sort de sa gangue privée, individuelle.
Dans Tranches d'amour, l'artiste joue du topoi de la vidéo « ASMR » : derrière sa fenêtre elle murmure, comme une berceuse, les mots doux qu'elles a reçus. Cupidon 2.0, elle diffracte les mots « pour elle » vers d'autres usagers, d'autres esseulés.
Injectant et se réappropriant la partie de la page Youtube qui se situe d'ordinaire « sous » la vidéo, dans une sorte d'après impulsif, haineux ou admiratif, Solange visibilise comme agora cette arène spontanée, et impensée. Le politique se chuchote, et l'intime se profère. Répondre, injurier, aimer, et parler sont bien des verbes politiques. L'adresse à la seconde personne de la youtubeuse est en réalité l'adresse publique d'un rétheur, l'écran-chambre fonctionne comme un plateau nu. Pourtant, quelle communauté se crée ici, qui semble avant tout se constituer par une forme de connivence, d'affinité ? Ainsi SolangeTeParle avoue parler avant tout à ceux « qui lui ressemblent ». Quel(s) espace(s) de parole ouvre la fenêtre de Youtube, et quelle(s) solitude(s) préserve-t-elle peut-être ?