La relation « civilisation-langue-culture » dans les livres de lecture pour l'enseignement en français aux publics enfantins allophones (1885-1930) - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2017

La relation « civilisation-langue-culture » dans les livres de lecture pour l'enseignement en français aux publics enfantins allophones (1885-1930)

Résumé

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la complexité du lien qui attache ou détache –en fonction des stratégies éducatives et politiques à l’œuvre - la langue et la culture françaises est portée à son comble au sein de deux mouvements concurrents. À l’intérieur du territoire, l’entreprise républicaine de scolarisation tend à enraciner la langue et la culture dans un projet national ; alors qu’à l’extérieur l’entreprise coloniale les déterritorialise radicalement et promeut plus explicitement le lien entre civilisation et langue française. La création des deux premières institutions de diffusion des langues, l’Alliance israélite universelle (AIU) en 1860 et l’Alliance française (AF) en 1883, participent pleinement de ce mouvement de déterritorialisation. Mais c’est dans la relation aux autres langues qu’elles fracturent à nouveau ce processus. Elles fournissent, dans des idéologies bien distinctes et souvent opposées, les premiers éléments méthodiques et institutionnalisés de l’enseignement en français à des allophones, renforçant ainsi, malgré tout, par leur action directe dans des contextes spécifiques, l’idée-force de civilisation associée à celle de langue française et à celle de l’école. La complexité de la relation entre langue, culture et civilisation apparait en effet tout particulièrement lorsqu’il s’agit de l’enseignement en français « dans les pays où l’on parle une autre langue que le français » comme on le lit souvent sur les couvertures des premiers livres de lecture de cette époque, là où le français soutient les projets d’émancipation (AIU- Empire ottoman) et là où l’influence française doit être renforcée (l’AF-colonies et protectorats). C’est dans tous les cas sous une forme thématisée et normée pour l’école (la littérature, l’histoire, la morale, la grammaire…) au sein de récits édifiants que cette relation prend corps dans les livres de lecture. On y retrouve partout adapté le modèle fourni dès le début du XIXe siècle en France par les livres de lecture et dont le célèbre Tour de France par deux enfants (G. Bruno 1877) reste le symbole inégalé . Cette relation est complexe car elle se doit, d’une part de répondre à des objectifs soumis à la classification anthropologique et culturelle de l’époque (étrangers vs colonisés vs coreligionnaires…), aux idéologies qui les sous-tendent concernant les relations à entretenir avec les langues et les cultures des élèves en question (langues à dominer, à exclure, à intégrer..) et enfin, correspondre aux récents acquis de la pédagogie, notamment celle de la méthode directe. Les manuels et méthodes de lecture destinés aux publics enfantins pour qui le français va devenir la langue de scolarisation constituent ainsi de formidables objets pour saisir la complexité « agissante » des idéologies linguistiques dans la diffusion du français en français. Si on examine à présent cette relation « civilisation-langue-culture » à l’aune des catégories de l’ethnologie naissante, on perçoit mieux la tension qui traverse sans cesse -polarisant les différents termes du côté de l’universel et/ou du singulier- le processus de diffusion de la langue et de la « culture-civilisation » françaises. En effet, comme le rappelle Philippe Descola , les termes de « Culture » et de « Civilisation » d’abord confondus à la fin du XIXe siècle en Europe de l’Ouest, vont se charger progressivement de significations distinctes. C’est sous l’influence de la philosophie allemande, notamment celle des frères Humboldt, qu’une conception plus particularisante de la culture -susceptible alors de recevoir le pluriel-, où la langue joue un rôle central, se développera dans l’anthropologie culturelle américaine. Le partage, voire l’opposition entre la Civilisation/l’universel et la culture/le singulier (qui se décline donc au pluriel) constitue un élément troublant quand on examine le traitement de la langue française dans les manuels de lecture de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, destiné aux public enfantins allophones. C’est ce que nous développerons en prenant appui sur quelques exemples de livres de lecture (syllabaires) et de discours pédagogiques de l’époque, tirés des différents bulletins ou documents pour les maitres disponibles. Ces livres de lecture contribueront sans conteste à la construction d’un imaginaire où le français joue un rôle clef, et bien qu’on ne puisse préjuger de leurs modes d’appropriation, l’histoire nous dit qu’ils ont contribué, contre toute attente, à des modes d’acculturation diversifiés.
SPAETH conférence SIHFLES Athènes 12 mai 2017.pdf (1.46 Mo) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01528327 , version 1 (02-06-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01528327 , version 1

Citer

Valérie Spaëth. La relation « civilisation-langue-culture » dans les livres de lecture pour l'enseignement en français aux publics enfantins allophones (1885-1930) . La culture dans l’enseignement du français langue étrangère : conceptions théoriques, programmes et manuels au XIXe -XXe siècles, SIHFLES, May 2017, Athènes, Grèce. ⟨hal-01528327⟩
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