Résumé : Cette étude porte sur la traduction d'un phénomène stylistique récurrent dans certaines œuvres de Salman Rushdie, et en particulier dans Midnight’s Children, œuvre emblématique du style baroque de l'auteur. Comme ce dernier l’a déclaré, le narrateur de ce roman est faillible et nous transmet une vision du monde peu fiable car fragmentaire, analogue à notre perception du réel (Rushdie, 1992 : 10, 12, 25). Cette représentation des choses s’exprime dans la matière même d'un récit foisonnant et dynamique, hétéroclite, désordonné et discontinu. Rushdie s'offre un espace de créativité, se permettant des « libertés stylistiques » (Harrison, 1992 : 61) qui participent à cette fragmentation de l’écriture. Ces marqueurs, en formant un réseau de motifs qui ordonne le chaos général, procurent paradoxalement une certaine cohérence (Harrison, 1992 : 49-50). Cette étude se concentre sur ces fragments qui, parce qu’ils « « bris[ent] » le langage, le cours « normal » du discours » et « la construction syntaxique « normale » de la phrase, de la ponctuation » (Garrigues, 1995 : 49), rendent le style de Rushdie « particulièrement difficile à traduire » (Pesso-Miquel, 2007 : 9). Dans quelle mesure et de quelle manière le traducteur a-t-il pu préserver ce phénomène stylistique? Il s'avère qu'il a pu recréer l'écriture fragmentée du texte original en exploitant judicieusement certaines ressources du système syntaxique de la langue française.