« Le point de vue de l’exil dans les paysages de Chateaubriand » - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2009

« Le point de vue de l’exil dans les paysages de Chateaubriand »

Résumé

L’appréhension du paysage naturel est au cœur d’une poétique descriptive qui prend l’exil comme structure d’horizon : « Les tableaux de Virgile (…) représentent toute la nature : ce sont les profondeurs des forêts, l’aspect des montagnes, les rivages de la mer, où des femmes exilées regardent, en pleurant, l’immensité des flots ». Dans cette poétique du paysage exilique, émergent un certain nombre d’éléments structurants dont le point de vue et la perspective. Le point de vue est peut-être moins celui du « poète dans le paysage » (qui permet un authentique portrait de paysage, moral et physique) que celui du poète devant le paysage (qui met en scène la position de l’exilé dans une limite, dans un entre-deux). Ce dispositif de redoublement visuel qui consiste à cadrer de dos un personnage qui contemple et donne ainsi à voir ce qu’il contemple est caractéristique de la manière de Chateaubriand et elle rejoint par ailleurs le style mélancolique des toiles avec Rückenfigur de Friedrich comme une donnée de la poétique du romantisme. Regarder ailleurs, c’est en effet par excellence le point de vue de l’exilé sur le paysage. La perspective ouvre alors sur un lointain en fuite indéterminée, aspirée par l’horizon : c’est voir au loin, mais aussi voir de loin, un paysage essentiellement en retrait. « Posant et effaçant l’objet tout ensemble », cette poétique de la description privilégie donc des « objets négatifs » qui constituent paradoxalement la positivité du paysage. Le négatif est paradoxalement affirmation d’une présence, mais privée de positivité, c’est, chez Chateaubriand, plutôt une « réalité affectée d’une négation » que « l’envers d’une affirmation ». Il s’agit moins d’un paysage du vide qu’un paysage vidé. Paradoxalement, le paysage se compose par accumulation et réduplication de vides successifs comme si le comble de la lacune permettait de combler la lacune. D’une certaine façon, le souvenir est une transposition sur l’axe temporel du point de fuite auquel se résume les grands paysages négatifs de Chateaubriand. Chateaubriand met d’ailleurs en rapport le temps et l’espace comme expérience de la négativité : « le temps et le monde que j’ai traversés n’ont été pour moi qu’une double solitude ». De même que l’horizon s’organise en tiroirs successifs, de la même façon, la mémoire de l’exilé indexe le paysage contemplé à un certain nombre de signes mémoriels. L’exilé voit double : « maintes fois en voyant le soleil se coucher dans les forêts de l’Amérique, je me suis rappelé les bois de Combourg ». Le souvenir devient la structure d’horizon du paysage et toute description est évocation d’un paradis perdu. Comme ses paysages, l’itinéraire de l’écrivain est constitué d’un ensemble de tiroirs biographiques qui organisent la vie comme un destin, qui la composent à la fois comme une succession d’exils mais aussi comme unité du moi. « Mes souvenirs se font écho » note-t-il très justement. Ainsi l’écriture apprivoise l’exil et trouve le remède dans le mal et l’identité dans la différence. De même que les horizons successifs, par une sorte d’accumulations de vides construisaient un paysage, de la même façon, dans la discontinuité biographique de l’exil, l’écriture tisse et compose une trame autobiographique, produit un paysage mental, un « chez soi » comme le dit justement Jean-Pierre Richard. Le lieu de l’exil est le lieu de l’écriture mais l’écriture est le lieu de l’écrivain.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01492045 , version 1 (17-03-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01492045 , version 1

Citer

Yvon Le Scanff. « Le point de vue de l’exil dans les paysages de Chateaubriand ». Ecritures de l'exil, Mar 2007, Bordeaux, France. pp.159-169. ⟨hal-01492045⟩

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