Compétence d’interaction orale et stratégies des apprenants - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2011

Compétence d’interaction orale et stratégies des apprenants

Résumé

Notre approche est focalisée sur la compétence d’interaction orale. On se propose de réfléchir à la façon d’assurer une progression des apprenants dans ce domaine, en considérant que le développement de la compétence est facilité par la mise en œuvre de stratégies de communication et d’appropriation par les locuteurs. Quel type de tâche peut-on alors proposer pour favoriser l’élaboration de stratégies efficaces en interaction orale chez les étudiants ? Selon P. Bange (1992), les apprenants doivent être motivés par des enjeux communicatifs forts pour mettre en œuvre des stratégies de prise de risque nécessaires à la progression. A l’inverse, si « le jeu n’en vaut pas la chandelle », ils se contenteront de stratégies d’évitement et ne seront pas à même de développer leur interlangue. Il importe donc de proposer des tâches dans lesquelles la focalisation sur le contenu n’est pas minimisée par une focalisation langagière prédominante. Il est possible pour un locuteur non natif de réaliser de tels buts communicatifs même s’il dispose de moyens réduits (Alber & Py, [1985] 2004 : 184). Une tâche complexe peut ainsi permettre aux apprenants de déployer des stratégies de communication et d’appropriation. C’est également le principe de la zone prochaine de développement (Vygotski, [1933] 1997) ou du format (Bruner, 1983) : la tâche doit se situer dans l’intervalle entre le seuil inférieur et le seuil supérieur d’apprentissage, afin de devancer le développement, tout en étant accessible grâce à l’étayage d’un expert ou d’un pair plus compétent. Une aide peut également être apportée par les échantillons langagiers auxquels les étudiants sont exposés. Dans l’approche par compétences, les apprenants disposent d’un input langagier fournissant « des exemples des productions visées » (Beacco, 2007 : 147). Notre perspective prend le contrepied de cette méthodologie en ne fournissant aucun modèle langagier, afin d’encourager les apprenants à puiser dans leurs ressources. La tâche que nous avons élaborée consiste pour les apprenants à commenter des photographies d’auteur sans recevoir d’information sur leur titre, leur contexte de réalisation ou leur signification. La production sur images constitue une pratique sociale ordinaire que l’on retrouve dans les musées ou les galeries d’exposition, mais également dans la sphère privée lors de l’observation d’albums photos. Cette activité atypique ne repose sur aucun objectif langagier prédéterminé et cela, afin que les apprenants focalisent leur attention sur les enjeux communicatifs à travers des prises de position. Il s’agit ici d’une technique didactique indépendante (Beacco, 2007 : 17), qui ne saurait constituer le seul élément d’un curriculum mais doit être combinée avec d’autres activités afin d’assurer la progression langagière des apprenants. Dans le cadre d’une observation participante, nous avons ainsi proposé cette tâche à 8 groupes différents, de niveaux A1 à B2. Ce projet a été mené avec 98 étudiants de 43 nationalités dans des cours de français enseigné comme langue étrangère à Paris, ce qui a permis le recueil de 54 séquences, entièrement transcrites. Le corpus ainsi constitué a été étudié selon l’analyse des interactions en classe (Cicurel & Bigot, 2005). L’analyse du corpus a permis de montrer que l’activité peut être réalisée quel que soit le niveau de compétence des apprenants. Ce phénomène est corroboré par les tests qui s’appuient sur des livrets d’images pour déterminer le stade d’acquisition des locuteurs (Berman & Slobin, 1994). Ce qui est remarquable ici, cependant, c’est que les apprenants vont au-delà des capacités attendues pour leur niveau de compétence, selon le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (Conseil de l’Europe, 2001). Si l’objet culturel qu’est la photographie d’auteur fournit des enjeux communicatifs importants, on voit également apparaître une focalisation langagière à la demande des apprenants. Or, une attention prêtée aux formes à la suite de besoins langagiers est particulièrement propice à l’appropriation (Moore & Simon, 2002 : 139) et donc, à la progression. Les apprenants sont alors amenés à déployer des stratégies pour dépasser les obstacles à la communication (Vogel, [1990] 1995 : 70). Ce faisant, ils mobilisent leurs ressources, qui sont autant de moyens à leur disposition pour communiquer. Est ainsi mise à contribution leur interlangue, mais également leur répertoire plurilingue et non verbal. Des stratégies d’appropriation apparaissent également chez les apprenants dans des séquences potentiellement acquisitionnelles (de Pietro, Matthey, Py, 1989) et dans des phases d’étayage entre pairs (Cambra Giné, 2003 : 159). La tâche de commentaire de photographies peut ainsi contribuer à la progression des apprenants, en leur offrant la possibilité d’être confrontés à des enjeux communicatifs complexes nécessitant la mise en œuvre de stratégies et permettant le développement de l’interlangue.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01430577 , version 1 (10-01-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01430577 , version 1

Citer

Catherine Muller. Compétence d’interaction orale et stratégies des apprenants : Comment favoriser la progression à travers une tâche communicative ?. Colloque international Les compétences en progression : défi pour la didactique des langues, 2011, Poitiers, France. ⟨hal-01430577⟩
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