Le paradoxe de l'anonymat : un sujet poétique en mouvement - Didactique des langues, des textes et des cultures Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Résonance générale. Cahiers pour la poétique Année : 2014

Le paradoxe de l'anonymat : un sujet poétique en mouvement

Résumé

Lorsqu'elle s'empare de la poésie, la parole de Meschonnic demeure profondément polémique, attaquant ce qu'il perçoit comme des illusions ou des positions établies. Il reproche à une certaine forme de poésie son isolement, et la justification qu'elle en donne : la poésie refuserait de se soumettre aux diktats du monde contemporain, serait là pour préserver d'autres fonctions du langage, serait la gardienne de l'être… Meschonnic condamne sans ambivalence l'heideggerisme poétique, la mystification du poème comme art ontologique, cette « fusion-confusion entre la poésie, comme acte de langage, et le sacré, comme union primitive des mots et des choses » 1. Cette conception sacralisante, que l'on peut lire dans le lien que Bonnefoy établit entre religion et poème, qui fait du poème la « mémoire de l'Un » (Bonnefoy, 2006 : 326), divise le langage, mettant face à face le sacré et le profane. Comme s'il y avait deux camps en présence, celui des purs, celui des aliénés. Pour Meschonnic, si la poésie a perdu sa place, c'est parce qu'elle a refusé une évidence : en tant qu'art du langage, elle travaille sur un matériau qui n'a d'existence que collective. C'est en linguiste et avec cette certitude de linguiste : il n'est qu'un langage qu'il aborde la question du discours poétique. Au centre de ses interrogations sur la poésie se trouve la relation entre l'individuel et le collectif. La poésie n'est pas un temple, elle se fait au coeur de la cité. La question du sujet est donc centrale : le langage est fait du jeu entre un code partagé, acquis, qui est déjà là, réalisé chez d'autres sujets, pour chacun des locuteurs, et ses réalisations singulières chez chacun des locuteurs. Le langage précède les discours et provient des discours. Le sujet est à la fois le récepteur et l'origine du langage. Or, que constate Meschonnic ? La théorie du poème a développé un discours qui nie ce mouvement dont le sujet constitue une étape obligée mais passagère. Bien plus, pour l'hermétisme, plus on se sépare de la langue ordinaire, plus le coefficient de poéticité s'accroît. Comme si l'appropriation que constitue toute énonciation devenait une pure création, au sein d'un sujet désormais isolé. Au contraire, l'écriture théorique comme l'écriture poétique de Meschonnic cherchent à réhabiliter l'unicité du langage, et à travailler cette continuité entre je et on, qui a lieu dans le sujet. Meschonnic a dans Critique du rythme, cette formule : paradoxalement, l'anonymat est la plus forte exposition du sujet 2. Pour Meschonnic, le travail sur l'énonciation-la réalisation individuelle de la langue-est central. Sa poésie en propose une modalité particulière, qui travaille sur l'anonymat de l'énonciateur, qu'il s'agisse de l'impersonnel, ou du Je. Proposition apparemment paradoxale, puisque toute l'oeuvre poétique est écrite à la
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hal-01433991 , version 1 (23-10-2020)

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  • HAL Id : hal-01433991 , version 1

Citer

Donatienne Woerly. Le paradoxe de l'anonymat : un sujet poétique en mouvement. Résonance générale. Cahiers pour la poétique, 2014, Résonance générale - Essais pour la poétique, 6, p66-79. ⟨hal-01433991⟩

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